Le don de Dieu

Samedi 5 mai 2012 // Prédications anciennes

L’abbé Charles Chiniquy fut un prêtre catholique canadien réputé. Né à Kamouraska, Québec, le 20 juillet 1809, il fut le premier à établir une société de tempérance (entraide anti-alcoolique) dans ce pays, ce qui lui valut le titre « d’apôtre de la tempérance » au Canada. Ses nombreux dons et sa piété lui valurent également la mission de confiance d’installer toute une colonie de Canadiens Français dans l’État d’Illinois. Vers la fin de sa vie, il fut l’ami d’Abraham Lincoln. Il fit plusieurs tournées de prédication en Angleterre, et ce court témoignage sur l’événement le plus important de sa vie fut donné à Londres.

Il vécut jusqu’à 90 ans et mourut à Montréal le 16 janvier 1899.

Récit autobiographique de l’événement le plus important de sa vie de prêtre

Charles Chiniquy

Je suis né au Canada en 1809, et je fus baptisé la même année dans l’Église Catholique Romaine. En 1833, je fus ordonné prêtre. Je suis maintenant dans ma 74e année et cela fait donc près de 50 ans que je reçu la dignité du sacerdoce dans l’Église Romaine.

Pendant 25 ans j’ai été prêtre de cette Église, et je peux vous dire franchement que j’aimais l’Église Romaine et que l’Église Romaine me le rendait bien. J’aurais versé mon sang jusqu’à la dernière goutte pour mon Église, et j’aurais sacrifié mille fois ma vie pour étendre sa puissance et son prestige sur le continent américain et dans le monde entier. Ma grande ambition était de convertir les Protestants, et de les amener à mon Église, parce que j ’avais reçu l’enseignement, et j’enseignais moi-même que, hors de l’Église Romaine, il n’y a pas de salut. J’étais donc attristé à la pensée que toutes ces multitudes de Protestants seraient perdus pour l’éternité.

Quelques années après ma naissance, nous vivions dans une localité où il n’y avait pas d’école. Ma mère fut, de ce fait, ma première institutrice, et le livre dans lequel elle m’apprit à lire était la Bible. A l’âge de 8 ou 9 ans, je lisais le livre divin avec un incroyable plaisir et mon cœur était transporté par la beauté de la Parole de Dieu. Ma mère choisissait elle-même les chapitres qu’elle désirait que je lise, et ma lecture me passionnait au point que, bien des fois, je refusais d’aller jouer dehors avec les autres petits gars plutôt que d’interrompre cette lecture du saint livre. Il y avait des chapitres que j’aimais tellement que je les apprenais par cœur.

Mais après la mort de ma mère, la Bible disparut de la maison, probablement par les bons soins du curé, lequel avait déjà auparavant essayé d’obtenir qu’elle lui fut remise.

Or cette Bible est la racine de toute cette histoire. Ce fut la lumière qui fut versée dans mon âme d’enfant et qui, grâces en soient rendues à Dieu, ne s’est jamais éteinte. Elle demeure là. Et, par la miséricorde de Dieu, c’est à cette chère Bible que je dois aujourd’hui l’indicible joie que j’éprouve à me trouver parmi les rachetés, parmi ceux qui ont reçu la lumière et qui boivent continuellement à la source pure de la Vérité.

Peut-être quelques-uns sont-ils en train de se demander si les prêtres catholiques permettent aux gens de lire la Bible. Oui, et de cela je remercie Dieu ! C’est un fait qu’aujourd’hui presque dans le monde entier, l’Église Romaine accorde la permission de lire la Bible, et vous pouvez la trouver dans certains foyers catholiques.

Mais, ceci reconnu et admis, il faut dire la vérité toute entière. lorsque le prêtre autorise un laïc à lire la Bible, et lorsque le prêtre lui même reçoit cette Bible de l’Église, il y a une condition. La condition est que, quoique ce prêtre et ce laïc puissent lire la Bible, ils ne doivent jamais, en aucune circonstance, en comprendre un seul mot selon leur propre conscience, intelligence ou conception.

Lorsque je fus ordonné prêtre, je fis le serment de ne jamais interpréter l’Écriture autrement que selon ce qu’on appelle « le consentement unanime des saints pères ».

Amis, allez donc questionner un Catholique aujourd’hui et demandez-lui s’il a le droit de lire la Bible ! Il vous répondra... oui ! Mais demandez-lui : « Avez-vous le droit de l’interpréter c’est-à-dire de la comprendre vous-même ? » Il vous répondra non. Les prêtres disent positivement au peuple, et l’Église dit positivement aux prêtres, qu’ils n’ont pas le droit de comprendre un seul mot de la Bible selon leur propre intelligence ou leur propre conscience et que c’est un péché grave que de se permettre de le faire. Les prêtres disent au peuple : « Si vous essayez de comprendre la Bible avec votre propre intelligence, vous êtes perdu. C’est un livre très dangereux. Vous pouvez la lire, mais il serait mieux de ne pas la lire puisque vous ne pouvez pas la comprendre ! »

Quel est le résultat d’un tel enseignement ? Le résultat est que, malgré le fait que les prêtres et certaines personnes aient la Bible entre les mains, ils ne la lisent pratiquement pas. Liriez-vous un livre si vous étiez persuadé que vous ne pouvez pas en comprendre une ligne par vous-même ?

Voilà donc la vérité, mes amis, concernant l’attitude de l’Église Romaine. Ils ont la Bible, vous la trouverez sur la table des prêtres et de certains catholiques, mais il n’y a pas deux prêtres sur 10 000 qui lisent la Bible du commencement a la fin et y prêtent attention. Ils lisent quelques pages par ci par là et c’est tout.

Dans l’Église Romaine, la Bible est un livre scellé. Mais elle ne l’est pas pour moi ! Je la trouvais précieuse pour mon cœur lorsque je n’étais encore qu’un petit gars, et lorsque je devins prêtre de Rome, je la lus pour devenir un homme fort et pour être capable de discuter et défendre « mon » Église.

Mon grand objectif était de confondre les pasteurs protestants d’Amérique. Je me procurai un ouvrage sur les Pères et je l’étudiai jour et nuit avec les Saintes Écritures, afin de me préparer pour la grande bataille que je me proposais d’engager contre les Protestants. Je fis cette étude en vue de donner de solides fondements à ma propre foi en l’Église Catholique Romaine.

Mais Dieu soit béni, à chaque fois que je lisais la Bible, il y avait une voix mystérieuse qui disait en moi : « Ne vois-tu pas que, dans l’Église Romaine, vous ne suivez pas les enseignements de la Parole de Dieu, mais seulement la tradition des hommes ? »

Dans les heures silencieuses de la nuit, lorsque j’entendais cette voix, je pleurais et criais, mais alors la voix devenait comme un éclat de tonnerre. Comme je voulais vivre et mourir dans la « sainte Église Catholique Romaine », je priais Dieu d’étouffer cette voix, mais je ne l’entendais que plus forte. Ainsi pendant que je lisais Sa Parole, Dieu essayait de briser mes fers, mais je ne voulais pas que ces fers-là soient brisés. Il venait à moi avec Sa lumière salvatrice, mais je ne voulais pas la recevoir !

Je n’ai pas de mauvais sentiments à l’égard des prêtres romains. Certains d’entre vous s’imaginent que, peut-être, j’en ai : ils se trompent. Parfois je pleure à cause d’eux car je sais que, les pauvres gens, ils font juste comme moi, ils luttent contre le Seigneur comme je le faisais, et ils sont alors aussi misérables que je l’étais moi-même. Si je vous raconte l’une de ces luttes dont je vous parle, alors vous comprendrez ce que c’est que d’être un prêtre catholique, et peut-être prierez-vous pour eux.

A Montréal il y a une magnifique cathédrale capable de contenir 15 000 personnes. J’y prêchais souvent. Un jour, l’évêque me demanda d’y prêcher sur la vierge Marie et je le fis avec satisfaction. Je prêchai donc aux gens en cette nouvelle occasion ce que je croyais être vrai, et que les prêtres croient et prêchent partout. Voici les grandes lignes de mon sermon :

« Mes chers amis, lorsqu’un homme s’est révolté contre son roi, vient-il lui-même après cela se présenter devant lui ? Et s’il a une faveur à demander à son roi, osera-t-il, dans de telle circonstances, apparaître lui-même en sa présence ? Non ! Le roi le châtierait. Que fait-il donc ? Au lieu de se présenter lui-même, il charge quelque personne amie du roi, l’un de ses officiers, sa soeur peut-être, voire sa mère, de présenter sa pétition. Cette personne parle au roi en faveur du coupable, demande pardon pour lui, apaise la colère royale et souvent il arrive que le roi accordera à cette personne la grâce qu’il eût refusée au coupable lui-même. »

Eh bien, continuai-je, nous sommes tous pécheurs, nous avons tous offensé le grand et puissant roi, le Roi des rois. Nous avons fomenté de la rébellion contre Lui. Nous avons piétiné Ses lois, et certainement provoqué Sa colère contre nous. Que pouvons-nous faire maintenant ? Irons-nous nous présenter à Lui les mains pleines d’iniquités ? Non ! Mais, Dieu merci, nous avons Marie, la mère de Jésus notre roi, qui se tient à Sa droite et comme un bon fils ne refuse jamais une faveur à une mère tendrement aimée, de même Jésus ne refusera jamais rien à Marie. Il n’a jamais repoussé aucune demande de sa part lorsqu’Il était sur terre. Jamais, Il ne l’a rebutée en quoi que ce soit. Mais quel est le fils qui voudrait faire de la peine à une mère aimante lorsqu’il peut la réjouir en lui accordant ce qu’elle demande ? Eh bien, je le dis, Jésus, le Roi des rois, n’est pas seulement le Fils de Dieu ; Il est aussi le Fils de Marie, et Il aime Sa Mère ! Et de même qu’Il ne lui a jamais refusé aucune faveur lorsqu’Il était sur la terre. Il ne Lui en refusera aucune encore aujourd’hui. »

« Que devons-nous donc faire ? Certes pas nous présenter nous-mêmes devant le grand Roi, tout couverts d’iniquités comme nous le sommes ! Adressons-nous donc à Sa Sainte Mère ! elle ira elle-même aux pieds de Jésus son Dieu et son Fils et elle recevra certainement tout ce qu’elle demandera. Elle demandera notre pardon et elle l’obtiendra. Il vous accordera n’importe quoi du moment que c’est Sa Mère qui le lui demande ! »

Mes auditeurs étaient si heureux à l’idée d’avoir une telle avocate intercédant pour eux jour et nuit aux pieds de Jésus, qu’ils pleuraient tous et étaient transportés de joie de ce que Marie allait demander et obtenir leur pardon.

A cette époque je pensais que c’était non seulement la religion du Christ, mais le bon sens même, et qu’on ne pouvait rien trouver à redire !

Après le sermon, l’évêque vint, me donna sa bénédiction et me remercia, disant que ce sermon ferait beaucoup de bien dans la ville de Montréal !

Ce soir-là, lorsque je m’agenouillai et pris ma Bible, mon cœur était rempli de joie à cause du bon sermon que j’avais fait le matin. J’ouvris et le passage de l’Évangile selon Matthieu ch.12, v.46 se trouva devant mes yeux.

« Comme Il parlait encore au peuple, sa mère et ses frères étaient dehors, cherchant à lui parler. Quelqu’un lui dit : Voici, votre mère et vos frères qui sont là dehors, et ils cherchent à vous parler. Jésus répondit à l’homme qui lui disait cela : Qui est ma mère, et qui sont mes frères ? et étendant la main vers ses disciples, il dit : Voici ma mère et mes frères. Car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, et ma soeur, et ma mère. »

(Traduction catholique du Chanoine Crampon). Lorsque j’eus lu ces lignes, une voix me parla plus terrible que le tonnerre et me dit : « Chiniquy, tu as prêché un mensonge ce matin lorsque tu as dit que Marie avait toujours obtenu de Jésus ce qu’elle lui demandait. Ne vois tu pas ici que Marie vient demander une faveur, celle de voir son fils ? »

Marie, en effet, venait demander la faveur de voir son fils mais, lorsqu’elle arrive à l’endroit où il se trouvait, il y avait tellement de monde qu’elle ne peut entrer. Que fait-elle donc ? Elle fait ce que que ferait toute mère en cette circonstance : elle élève la voix et le prie de venir lui parler. Mais lorsque Jésus entend la voix de Sa mère, et que Son regard divin la discerne que fait-Il ? Lui accorde-t-il ce qu’elle demande ? Hé bien non ! Il ferme Ses oreilles à sa voix, et ferme Son cœur à sa prière. C’est une rebuffade publique et qu’elle peut ressentir cruellement. Les gens sont surpris, même déconcertés, voire scandalisés ! Ils se tournent vers le Christ et lui font remarquer que ce sont Sa mère et Ses frères qui Le demandent. Que répond Jésus ? Rien d’autre que cette extraordinaire réponse : Étendant la main vers Ses disciples Il dit : « Voici ma mère et mes frères, car quiconque fait la volonté de mon Père qui est dans les cieux, celui-là est mon frère, ma soeur, ma mère. » Ainsi Marie se trouve-t-elle publiquement repoussée et rebutée.

La voix me parla à nouveau avec la force du tonnerre me disant de lire le même récit dans l’Évangile de Marc chap.3 v.31-35 et dans celui de Luc chap.8 v.19-20. Ainsi, loin d’accorder à Sa mère ce qu’elle Lui demandait, Jésus avait répondu par une rebuffade publique ! Alors la voix me parla de nouveau avec une terrible puissance me disant que Jésus, tant qu’Il était un petit enfant, obéissait à Joseph et à Sa mère, mais dès qu’Il se manifesta Lui-même devant le monde comme le Fils de Dieu Sauveur du monde, la grande Lumière de l’humanité, alors Marie devait disparaître. Car c’est vers Jésus Seul que le monde doit tourner ses regards pour recevoir Lumière et Vie !

Je vous le dis, mes amis, la voix me parla toute la nuit ! « Chiniquy, Chiniquy, tu as prêché un mensonge ce matin, et tu as raconté une quantité de fables et de niaiseries. Tu enseignes contre les Écritures ». Je priai et pleurai et ce fut pour moi une nuit blanche.

Le lendemain matin, je me rendis pour le déjeuner, à la table de l’évêque coadjuteur, lequel m’avait invité. Il me dit : M. Chiniquy, vous m’avez tout l’air d’un homme qui a passé la nuit à pleurer ! Que se passe-t-il ? Je lui dit : Monseigneur, vous ne vous trompez pas. Je suis dans une tristesse qui dépasse toute mesure ! De quoi s’agit-il donc ? demanda-t-il. Oh, Je ne puis vous le dire ici, répondis-je, mais si vous voulez bien m’accorder une heure d’entretien seul à seul, je vous montrerai quelque chose qui vous rendra perplexe.

Après le repas nous nous retirâmes dans son cabinet et je lui dis :

- Monseigneur, hier vous m’avez fait de grands compliments sur mon sermon dans lequel j’avais affirmé que Jésus avait toujours répondu favorablement à Sa mère. Mais, Monseigneur, cette nuit, j’ai entendu une toute autre voix, plus puissante que la vôtre, et ce qui me trouble c’est de croire que cette voix est celle de Dieu ! Cette voix m’a dit que nous, prêtres et évêques catholiques, nous prêchons ce qui est faux chaque fois que nous disons au peuple que Marie a toujours le pouvoir de recevoir de Jésus-Christ les faveurs qu’elle Lui demande. Ceci est un mensonge, Monseigneur et, j’en ai bien peur, un mensonge diabolique et une erreur tragique.

- Qu’est-ce que cela veut dire, M. Chiniquy, dit l’évêque, êtes-vous protestant ?

- Non, dis-je, je ne suis pas protestant ! - souvent j’avais été appelé protestant à cause de mon attachement bien connu à la Bible - mais je vous le dis les yeux dans les yeux, j’ai bien peur d’avoir prêché hier un mensonge, et que vous-même, Monseigneur, n’en prêchiez un la prochaine fois que vous direz qu’il faut invoquer Marie sous le prétexte que Jésus n’a jamais rien refusé à Sa mère ! Ceci est faux.

- Vous allez trop loin, M. Chiniquy, dit l’évêque.

- Non, Monseigneur. répliquai-je et d’ailleurs cela ne sert à rien de discuter : voici l’Évangile, lisez-le !

Je mis l’Évangile entre les mains de l’évêque et il lut de ses propres yeux ce que j’ai déjà cité. Mon impression fut que c’était comme s’il lisait cela pour la première fois. Le pauvre homme était si surpris qu’il demeurait muet et tremblant. A la fin, il murmura :

- Qu’est-ce que cela veut dire ?

- Eh bien, répondis-je, ceci est l’Évangile et vous y voyez que Marie est venue demander quelque chose à Jésus et que non seulement Il a publiquement refusé de la recevoir, mais Il a même refusé de la considérer comme Sa Mère. Il a fait cela publiquement afin que nous sachions bien que Marie est la mère de Jésus comme homme mais non comme Dieu.

L’évêque était hors de lui, et ne savait quoi me répondre. Je demandai alors la permission de lui poser quelques questions, et lui dis :

- Monseigneur, qui nous a sauvés vous et moi en mourant sur la croix ?
- Jésus-Christ, répondit-il.
- Et qui a payé vos dettes et les miennes en versant Son sang : Marie ou bien Jésus ?
- Jésus-Christ.
- Eh bien donc, Monseigneur, lorsque Jésus et Marie se trouvaient sur la terre, qui aimait le plus les pécheurs, Marie ou bien Jésus ?

Il répondit de nouveau que c’était Jésus.

- Dites-moi, demandai-je, a-t-on jamais vu un pécheur venir à Marie, sur la terre, pour être sauvé ?
- Non.
- Avez-vous mémoire que des pécheurs soient venus à Jésus pour être sauvés ?
- Oui, beaucoup.
- Les a-t-Il repoussés ?
- Jamais.
- Jésus a-t-Il quelquefois dit aux pécheurs d’aller à Marie ?
- Non.
- Ne vous souvient-il pas que Jésus, par contre, a dit aux pauvres pécheurs : « Venez à Moi » ?
- Oui, Il l’a dit.
- A-t-Il depuis rétracté ces paroles ?
- Non.
- Qui donc avait alors le pouvoir de sauver les pécheurs ? demandai-je.
- Oh, c’était Jésus !
- Fort bien, Monseigneur et maintenant que Jésus et Marie sont au ciel, pouvez-vous me prouver que Jésus a perdu quoi que ce soit de Son désir et de Son pouvoir de sauver les pécheurs, ou bien qu’Il a délégué ce pouvoir à Marie ?
- Non, dit l’évêque.
- Alors, Monseigneur, demandai-je, pourquoi n’allons-nous pas à Jésus et à Lui Seul ? Pourquoi enseignons-nous aux malheureux pécheurs qu’ils doivent aller à Marie, alors que, vous-même venez de le confesser, elle n’est rien comparée à Jésus, ni en puissance, ni en miséricorde, ni en amour, ni en compassion pour les pécheurs ?

Le pauvre évêque ressemblait à un condamné à mort. Il tremblait devant moi, et il invoqua une affaire urgente devant moi, pour me laisser. L’affaire en question était qu’il ne savait pas me répondre.

Je n’étais toutefois pas encore converti, loin de là ! Il y avait encore beaucoup de liens qui me retenaient attaché aux pieds du pape. Il y avait d’autres batailles à livrer avant que je puisse briser mes chaînes ! Et, bien que je fusse troublé, je n’avais rien perdu de mon zèle pour « mon » Église. Les évêques m’avaient donné une grande autorité et de grands pouvoirs, le pape m’avait élevé au-dessus de beaucoup d’autres, et j’avais l’espoir, comme beaucoup l’ont, que petit à petit, nous pourrions réformer l’Église en beaucoup de points.

En 1851, je partis pour l’Illinois afin d’y fonder une colonie de Canadiens Français. J’emmenai avec moi 75000 personnes et installai la colonie sur les magnifiques prairies de l’Illinois, prenant possession de ce terrain au nom de l’Église Romaine.

Mon travail de colonisateur fit de moi un homme très riche. J’achetai beaucoup de Bibles et en offris une à presque chaque famille. L’évêque était très mécontent de moi à cause de cela, mais je ne me préoccupai pas de ce mécontentement.

Je n’avais pas la moindre idée de renier l’Église Romaine, mais je voulais diriger mon Troupeau du mieux possible dans la voie dans laquelle Jésus-Christ désirait me voir les conduire.

Il advint que l’évêque de Chicago fit à cette époque une chose que nous, Français, ne pûmes tolérer. C’était une action criminelle, et j’écrivis au pape et obtins sa déposition. Un autre évêque fut nommé à sa place, lequel me délégua son Vicaire Général. Le Vicaire Général me dit :

- M. Chiniquy, nous sommes tous très heureux que vous ayez fait déposer cet évêque qui était un homme vil. Mais dans beaucoup d’endroits on s’imagine que vous n’êtes plus dans l’Église Romaine. On vous suspecte d’être un hérétique et d’être devenu protestant. Ne voudriez-vous pas nous donner une déclaration qui nous permette de prouver dans le monde entier que vous et vos gens êtes toujours de bons catholiques romains ?

- Je n’y ai pas d’objection, répondis-je.

Il ajouta que c’était le désir personnel du nouvel évêque d’avoir un tel document émanant de moi. Je pris une feuille de papier, et il me sembla que j’avais là une occasion unique de réduire définitivement au silence la voix qui me parlait jour et nuit et troublait ma foi. Je voulus, par ce moyen, me persuader moi-même que dans l’Église Catholique Romaine, nous suivions réellement la Parole de Dieu, et pas seulement des traditions d’hommes J’écrivis donc exactement ce qui suit : « Monseigneur, nous Canadiens Français de la Colonie de l’Illinois, voulons vivre dans la Sainte Église Romaine, Catholique et Apostolique, hors de laquelle il n’y a point de salut. Et pour prouver ceci à votre Excellence, nous promettons de nous soumettre à votre autorité, en suivant la Parole de Dieu telle que nous la trouvons dans l’Évangile du Christ. »

Je signai ce papier et l’offris à la signature de mes gens, ce qu’ils firent. Je remis ensuite le document au Vicaire Général, lui demandant ce qu’il en pensait. Il dit : C’est exactement ce que nous désirions. Il m’assura que l’évêque accepterait cette déclaration et que tout serait en règle.

Lorsque l’évêque eut lu l’acte de soumission, lui aussi le trouva correct et avec des larmes de joie, il dit : « Je suis heureux que vous ayez déclaré votre soumission, car nous avions tous la crainte que vous et votre colonie ne deveniez Protestants ! »

Chers amis, pour vous prouver mon aveuglement, je dois vous confesser à ma honte que j’étais heureux d’avoir fait la paix avec l’évêque, un homme alors qui ne l’avait pas faite avec Dieu. L’évêque me donna une « Lettre de Paix » dans laquelle il déclarait que j’étais l’un de ses meilleurs prêtres, et je retournai vers mes concitoyens bien déterminé à en rester là. Mais Dieu me regardait avec Sa pitié miséricordieuse, et Il s’apprêtait à briser cette paix avec l’homme et non avec Lui.

Après mon départ, l’évêque se rendit au bureau du télégraphe, d’où il télégraphia mon acte de soumission aux autres évêques en leur demandant leur opinion. Ils lui répondirent tous le même jour et avec unanimité :

- Comment ne voyez-vous pas que Chiniquy est un Protestant déguisé, et qu’il a fait de vous un Protestant ? Ce n’est pas à vous qu’il se soumet, c’est à la Parole de Dieu ! Si vous acceptez cet acte de soumission, vous devenez vous-même un protestant !

Dix jours plus tard, je fus convoqué par l’évêque. Et lorsque je fus devant lui, il me demanda si j’avais sur moi la Lettre de Paix qu’il m’avait remise à ma précédente visite. Je sortis la lettre, et lorsqu’il eut constaté que c’était bien l’original, il courut à la cheminée et la jeta dans le feu. J’étais stupéfait et me précipitai pour sauver ma lettre, mais il était trop tard, elle était consumée. Je me tournai alors vers l’évêque et dis :

- Comment osez-vous, Monseigneur, vous emparer d’un document qui est ma propriété, et le détruire sans mon consentement ?
- M. Chiniquy, répliqua-t-il, je suis votre supérieur, je n’ai pas de comptes à vous rendre.
- Vous êtes en effet mon supérieur, Monseigneur, répliquai-je, et je ne suis moi qu’un pauvre prêtre, mais il y a un Grand Dieu, qui est au-dessus de vous et de moi, et ce Dieu m’a donné des droits que je ne renierai jamais pour plaire à un homme quel qu’il soit. En présence de ce Dieu je proteste contre votre iniquité.
- Êtes-vous venu ici pour me faire la leçon, dit-il ?
- Non, Monseigneur, répliquai-je, mais je désire savoir si c’est pour m’insulter que vous m’avez fait venir ici.
- M. Chiniquy, répondit- il, je vous ai fait venir parce que vous m’avez remis un document dont vous saviez fort bien que ce n’était pas un acte de soumission.
- Faites-moi donc savoir quel acte de soumission vous requérez de moi !
- Vous devez commencer par supprimer le mots : « ...suivant la Parole de Dieu telle que nous la trouvons dans l’Évangile du Christ », puis écrire simplement que vous promettez d’obéir à mon autorité sans aucune condition, et que vous promettez de faire quoi que ce soit que je vous dise de faire.

Je me dressai et dis :

- Monseigneur, ce que vous me demandez là ce n’est pas un acte de soumission, c’est un acte d’adoration ! Je vous le refuse !
- Eh bien alors, dit-il, si vous ne pouvez me donner un tel acte de soumission, vous ne pouvez être plus longtemps un prêtre catholique.

Je levai les mains vers Dieu et m’écriai :

- Dieu Tout Puissant, sois à jamais béni ! Et prenant mon chapeau, je quittai l’évêque.

Je retournai à ma chambre d’hôtel, fermai la porte à clé, et tombai à genoux pour examiner en présence de Dieu l’acte que je venais d’accomplir.

Je vis alors clairement pour la première fois de ma vie que l’Eglise Romaine ne pouvait pas être l’Eglise de Christ. J’avais appris la terrible vérité, non pas des lèvres des Protestants, non pas de ses ennemis, mais de l’Église Romaine elle-même. Je vis que je ne pouvais y demeurer qu’à condition de renier la Parole de Dieu dans un document officiel. Alors je reconnus qu’il valait mieux renier l’Église Romaine. Mais, oh mes amis, quel épais nuage s’étendait maintenant autour de moi. Dans mes ténèbres je priais :

« Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi mon âme est-elle entourée d’un nuage si sombre ? » Avec larmes, je criai à Dieu de me montrer le chemin, et pendant un moment, aucune réponse ne me vint. J’avais quitté l’Église Romaine, j’avais renoncé à ma position, à mon honneur, à mes frères et soeurs, à tout ce qui m’était cher !

Je voyais d’avance comment le Pape, les évêques, les prêtres allaient m’attaquer dans la presse et du haut de la chaire, comment ils essaieraient de m’ôter l’honneur, le nom et peut-être la vie.

Je comprenais qu’une guerre sans répit avait maintenant commencé entre l’Église Romaine et moi, et je cherchais si quelque ami me restait pour être à mes côtés dans cette bataille. Mais je n’en vis pas un, car je savais que même mes amis les plus chers seraient dans l’obligation de me maudire et de me considérer comme un traître infâme. Je voyais mon peuple me rejeter, et ma patrie bien-aimée, où je comptais tant d’amis, me maudire ; je comprenais que j’étais devenu un objet d’horreur pour le monde. J’essayai alors de me rappeler si j’avais quelque amitié parmi les Protestants. Mais j’avais tellement parlé et écrit contre eux ma vie durant que je n’avais pas un seul ami parmi eux. Je me vis bien seul dans la bataille.

C’en était trop et si, en cette heure terrible, Dieu n’avait pas fait un miracle, je n’aurais pu résister. Il me semblait impossible de sortir de cette chambre pour entrer dans un monde glacé où je ne trouverai plus une main pour serrer la mienne, ou un seul visage pour me sourire, mais où je ne rencontrerai que les regards qu’on jette sur les traîtres.

Il semblait que Dieu était bien loin, mais Il était bien près. Soudain, la pensée me traversa : « Tu as ton Évangile, lis-le, tu y trouveras la lumière ! » Agenouillé et la main tremblante j’ouvris le livre - ou plutôt ce ne fut pas moi qui l’ouvris mais Dieu, car voici le verset sur lequel mes yeux tombèrent : « Vous avez été rachetés à grand prix, ne devenez pas esclaves des hommes ! » (1° épître aux Corinthiens chapitre 7 verset 23). Avec ces mots, la lumière entra en moi et pour la première fois je vis le grand mystère du salut dans la mesure où un homme peut le voir. Je me dis :

« Jésus m’a acheté, donc si Jésus m’a acheté, Il m’a sauvé : je suis sauvé ! Jésus est mon Dieu. Toutes les œuvres de Dieu sont parfaites. Je suis donc parfaitement sauvé ! Jésus ne peut pas me sauver à moitié. Je suis sauvé par le sang de l’Agneau, je suis sauvé par la mort de Jésus. »

Ces mots me furent si doux que j’éprouvai en les prononçant une joie indicible, comme si les sources de vie s’étaient ouvertes et des flots de lumière nouvelle inondaient mon âme. Je me dis :

« Non je ne suis pas sauvé, comme je l’avais cru, en passant par Marie, ni en allant expier moi-même dans un « purgatoire », ni par la confession, ni par les indulgences et les pénitences. Je suis sauvé par Jésus Seul ! »

J’éprouvai alors une joie telle, une telle paix, que les anges de Dieu ne peuvent pas être plus heureux que je ne l’étais. Le sang de l’Agneau ruisselait sur ma pauvre âme pécheresse. Avec un profond cri de joie je priai : « Ô Jésus Bien-aimé, je le sens, je le sais, Tu m’as sauvé. Ô Don de Dieu, je T’accepte. Prends mon cœur et garde-le à jamais à Toi ! Don de Dieu, demeure en moi pour me rendre pur et fort, demeure en moi pour être mon chemin, ma lumière et ma vie. Accorde-moi de demeurer en Toi maintenant et pour toujours. Mais, Jésus Bien-Aimé, ne me sauve pas seul ! Sauve mon peuple ! Accorde-moi de leur montrer le Don à eux aussi ! Oh puissent-ils t’accepter et se sentir riches et heureux comme je le suis désormais moi-même. »

C’est ainsi que je découvris la lumière. J’avais ouvert mon âme et accepté le Don. Vous n’avez rien à faire d’autre que d’accepter ce Don, l’aimer et aimer Celui qui le donne.

Le dimanche matin, la foule se rassemblait dans l’Église, je leur présentai le DON. Je leur montrai ce que Dieu m’avait présenté : Son Fils Jésus comme un Don - et en Jésus, le pardon de mes péchés et la vie éternelle comme un Don. Alors ne sachant pas s’ils accepteraient le Don ou non, je leur dis : « Maintenant, mes amis, l’heure est venue pour moi de vous quitter. J’ai quitté pour toujours l’Église Romaine. J’ai pris le Don de Christ. Si vous pensez qu’il vaut mieux pour vous suivre le pape que suivre Christ et invoquer le nom de Marie plutôt que Celui de Jésus, afin d’être sauvés, faites-le moi savoir en vous tenant debout. »

A mon immense surprise, toute la multitude demeura assise, remplissant l’édifice de sanglots. Je pensais que quelques-uns d’entre eux me diraient de m’en aller, mais pas un seul ne le fit. Comme je les observais, je vis un changement se produire en eux, un merveilleux changement qui ne peut s’expliquer de manière naturelle, et je leurs dis dans un cri de joie : « Le Dieu puissant Qui m’a sauvé hier peut vous sauver aujourd’hui ! Avec moi, vous traverserez la mer rouge et vous entrerez dans la Terre Promise. Avec moi, vous accepterez le Grand Don, et vous serez riches et heureux en ce Don ! Je vais vous poser la question sous une meilleure forme : si vous pensez qu’il vaut mieux pour vous suivre le Christ que suivre le pape, et invoquer le nom de Jésus Seul qu’invoquer celui de Marie, qu’il est meilleur pour vous de mettre votre confiance seulement dans le sang de l’Agneau répandu sur la croix pour vos péchés plutôt que dans le Purgatoire imaginaire après votre mort, et si vous pensez qu’il vous est préférable de m’avoir, moi qui désormais prêcherai le pur Évangile de Christ, plutôt que d’avoir un prêtre qui vous prêche les doctrines de Rome, faites-le moi savoir en vous levant ! » Et tous sans exception se dressèrent sur leurs pieds et avec des larmes me demandèrent de rester avec eux. Et les mots seraient incapables de décrire la joie de cette multitude. Les noms d’un millier d’âmes furent inscrits dans le Livre de Vie.

Six mois plus tard, nous étions deux mille convertis. Un an plus tard, environ quatre mille, et maintenant nous sommes près de 25000 qui avons blanchi nos robes dans le sang de l’Agneau. La nouvelle se répandit à travers tout le continent américain et même en France et en Angleterre que Chiniquy, le prêtre le plus connu du Canada avait quitté l’Église Romaine à la tête d’une noble compagnie d’hommes. Partout, le nom de Jésus-Christ fut béni et vous bénirez avec moi le Sauveur adorable et miséricordieux, maintenant que je vous ai raconté ce qu’Il a fait pour mon âme.

P.-S.

C. Chiniquy a raconté sa vie d’une manière beaucoup plus détaillée dans son livre intitulé « Mon combat ». Cette biographie a été rééditée sous un autre titre : « Chiniquy ».

Répondre à cet article